samedi, novembre 10, 2007

UNIBRA S.A.


Cette petite société à portefeuille cotée sur la place de Bruxelles comporte trois activités :

- Une activité opérationnelle qui consiste en l'exploitation de brasseries dans différents pays africains (Guinée, Congo, Tunisie, Algérie et Madagascar).

- Une activité immobilière : gestion et mise en location de biens en Belgique et aux Etats-Unis

- Une activité financière qui consiste en la gestion d'un portefeuille de titres cotés et des participations minoritaires dans le private equity.

Nous considérons Unibra à deux titres :

- Tout d'abord, comme un investissement value à long terme

- Ensuite, comme une manière de profiter d'une émergence du continent africain. Peu de fonds permettent de pénétrer ce marché : l'activité de fabrication et de négoce de bières et de boissons gazeuses ne me semblent pas une mauvaise manière pour y arriver.

Pour l'évaluation d'Unibra, nous passerons par l'évaluation de chacune des activités exercées par la société.

1. Le pôle immobilier

A Bruxelles tout d'abord, la société est propriétaire de l'immeuble « Arts 40 » et d'un autre immeuble de bureau situé au Boulevard du Souverain. Ce dernier immeuble vient d'être rénové et est actuellement inoccupé. Un troisième immeuble situé dans le quartier Leopold a été cédé à ING courant 2007.
Le management évalue ces trois immeubles à 36.72 euros par action.
Dans les comptes consolidés, ils sont valorisés au coût historique diminué des amortissements soit 27.27 euros par action.
Quant à nous, nous allons valoriser cette activité immobilière au montant de l'évaluation de la direction diminuée d'une marge de sécurité de 30 %, soit à 25.70 euros par action Unibra (en dessous de la valeur comptable !!).
Des dettes à long terme et à taux fixes (taux moyen de 3.45 %) ont été contractées pour ces immeubles : elles représentent 15.44 euros par action.

Au Etats-Unis, au travers de sa filiale Unibrus, la société détient une série de participations minoritaires dans des shoppings center et des immeubles de bureaux. Cette participation reste anecdotique puisqu'elle représente une valeur de 2 275 531 USd au 31/12/2006. Par prudence et pour tenir compte de la crise immobilière américaine, j'applique également une décote de 30 % sur cette participation, ce qui, converti en euro, représente 2.05 euros par action Unibra.

Enfin, en république démocratique du Congo, la société est propriétaire d'une usine qu'elle met en location et de villas (actuellement inoccupées). Ces deux biens ne représentent que 0.1 euro par action Unibra. Par prudence et pour simplifier, je les reprends pour 0.
La valeur nette de dette de la partie immobilière de Unibra, évaluée avec beaucoup de prudence, représente 12.31 euros par action. A cette somme, nous ajoutons 30 % de la différence entre la valeur que nous avons attribué aux immeubles et leur valeur reprise dans les comptes (ces 30 % sont censés représenté l'économie d'impôt que la moins value sur une éventuelle revente entraînerait). La valeur définitive que nous prenons en compte pour l'immobilier d'Unibra est donc de 12.78 euros.

2. Le portefeuille de placement

Tout d'abord les titres cotés en bourse. Le détail des titres actuellement détenu en portefeuille n'est pas disponible mais voici les principaux détenus au 31/12/06 :

30148 ABN AMRO
37000 FRANCE TELECOM
35334 AXA
20000 GBL
33800 BELGACOM
23000 MOBISTAR
2852 CIE BOIS SAUVAGE
39100 ROYAL DUTCH
45000 DELHAIZE
132186 SUEZ
105000 ETEX
13600 TOTAL
200000 FORTIS

Le cours de bourse moyen des actions présentées ci-dessus a diminué de 13.4 % depuis le 1er janvier à ce jour essentiellement en raison du poids très important que représentait Fortis dans ce portefeuille (9.6 euro par action Unibra au cours du 31/12/06).
Le portefeuille de placement se composait au 31/12/2006 de :

- Participation de 7.45 % dans Media Participation Paris (entre autre propriétaire de Dupuis) représentant 22.36 euros par action Unibra. Nous appliquons sur cette valeur une marge de sécurité de 10 % et reprenons une valeur de 20,12 euros

- Autres participations de private equity : 2.82 euros par action. Nous appliquons également une marge de sécurité de 10 % et reprenons une valeur de 2.54 euros

- Portefeuille d'actions cotées : 57.48 euros par action Unibra. Nous partons de la supposition que la composition du portefeuille n’a pas bougé depuis le 31/12 et que celui-ci a encaissé une perte de 13.5 %. Nous reprenons donc le portefeuille d’action pour une valeur de 49.72 euros.

- Obligations : 2.59 euros par actions Unibra. Nous appliquons une marge de sécurité de 5 % et les reprenons pour 2.46 euros.

- Autres placements (fonds absolute return, produits structurés et placements bancaires) : 19.93 euros par action. Nous appliquons également une marge de sécurité de 5 % et les reprenons pour 18.93 euros.

La valeur que nous décidons donc de prendre en compte pour le portefeuille « titres » d'Unibra sera donc de 93.77 euros.

3. Les activités brassicoles en Afrique

En additionnant les valeurs conservatrices reprises pour les pôles « sans risque » de l'entreprise, à savoir l'immobilier et les placements, nous obtenons une valeur prudente pour l'action de 106.55 euros. Autrement dit, au cours actuel de 104 euros, nous avons accès à l’ensemble des activités africaines gratuitement (ce qui n'est pas plus mal étant donné le risque élevé qu'elles représentent)
Nous allons cependant tenter de valoriser ces activités.

La société a été créé en 1960 suite au regroupement de 4 brasseries congolaises. Par la suite, l'entreprise se consacrera outre à ses activités congolaises, à de l'engeneering brassicole qui concevra et construira de nombreuses brasseries dans le monde et surtout en Afrique.
En 1987, Unibra agrandit son réseau africain en achetant la brasserie Sobragui en Guinée.
En 1991, l'entreprise stoppe ses activités d'engeneering et en 1996, Unibra vend ses 4 brasseries congolaise suite au décès inopinée de son fondateur. Depuis cette date, la socité s'est consacrée essentiellement à la gestion d'un portefeuille mobilier et immobilier conservant de son passé africain la brasserie guinéenne Sobragui et exploitant la marque de bière Skol dont elle est propriétaire pour toute l'Afrique. Cette marque est d'ailleurs la leader du marché en Guinée et au Congo.
Depuis 2003, le nouveau management a décidé un retour aux sources et envisage de renforcer de manière significative ses investissements dans le domaine de la bière et des boissons gazeuses en Afrique.
Passons donc en revue les différentes activités et projets africains.

Sobragui : cette brasserie guinéenne est le plus important actif africain actuellement. En pleine expansion, elle produit et commercialise de la bière et des boissons gazeuses non alcoolisée. Son chiffre d'affaires a augmenté de 45 % par rapport à l'exercice précédent mais, ramené en euros, celui-ci reste constant en raison de l'hyper inflation que connait le pays. Deux nouvelles usines de production ont été construites et son opérationnelles depuis fin 2006. De plus, une diversification vers la culture d'huile de palme en vue de la production de biocarburant a été entamée. Point noir au tableau : le soulèvement populaire qui a eu lieu début 2007 et qui a obligé le gouvernement à décréter l'état de siège. Ces évènements, qui ont paralysé le pays affecteront fortement la rentabilité de Sobragui en 2007. A l'annonce des ces évènements, le cour d'Unibra a baissé de manière beaucoup trop exagérée à mon avis compte tenu du poid de Sobragui dans la valeur totale d'Unibra.

Brasserie Skol d'Algérie : Depuis 2004, Unibra participe à hauteur de 50 % dans la construction d'une brasserie de 250 000 hectolitres en Algérie (par comparaison, la production de Sobragui en 2006 a été de 177 000 hectolitres). L'usine est à présent opérationnelle et la commercialisation a été entamée au cours du 1er semestre 2007. Lors de la présentation des résultats semestriels, la direction a toutefois annoncé que le démarrage commercial de cette unité se déroulait moins bien qu'espéré.

Nouvelle Brasserie de Madagascar : Unibra est partie prenante à hauteur de 35 % dans la construction d'une brasserie à Madagascar. Cet investissement me semble particulièrement intéressant dans un pays relativement stable politiquement et qui profitera à plein du tourisme en forte croissance dans cette région.

Sonem : Cette société tunisienne dans laquelle Unibra détient 33.33 % produit et commercialise de l'eau minérale naturelle.

Skol International Développement Luxembourg : les revenus de cette société sont constitués de l'exploitation de la marque Skol en Guinée et au Congo.

General supplies : cette société est chargée des approvisionnements en bouteilles et casiers des brasseries guinéennes du groupe.

Skol International : cette société développe la marque Skol dans l'ensemble du continent africain à l'exclusion du Congo et de la Guinée.

Société Internationale d'Ingeneering : Rendue à sa vocation première, cette société participe activement à la construction des brasseries algérienne et malgache.

Comme on peut le constater, la plupart des activités africaines viennent d'être créées et n'ont pas encore commencé à créer de la richesse pour le groupe. Cependant, au-delà des risques bien réels (qu'ils soient géopolitiques ou monétaires), le potentiel de croissance nous semble bien présent avec, en plus, un début de diversification dans des pays africains moins instables politiquement.
Le gros problème consiste donc à valoriser ces activités connaissant les risques encourus. Ceux-ci sont cependant selon nous assez minimes : les capitaux investis sur place sont faibles et la société perçoit l'essentiel de ses revenus d'exploitation aux moyens de redevances payées à des filiales belges, luxembourgeoises, irlandaises ou situées aux Iles Bermudes.
La perte potentielle sur les capitaux investis directement en Afrique est faible d'autant plus que la société a couvert auprès de l'Office du Ducroire contre l'expropriation, la guerre, le transfert et la rupture de contrat. Ces dernières années, la société a investi entre 3 et 4 euros par action sur le continent africain (soit bien moins que les résultats des 4 derniers exercices comptables).
Malgré tout, je valorise l'ensemble des actifs directement localisés en Afrique pour 0 (l'ensemble de ces actifs, dettes déduites, représentent 28.76 euros dans les comptes d'Unibra).
Par contre, nous avons décidé de tenir compte des revenus issus de ces exploitations africaines et atterrissant dans les divers filiales européennes du groupe. nous allons considérer ces revenus comme constants et perpétuels dans le temps. Nous considèrons également que les bénéfices de ces sociétés sont équivalent aux free cash flow (ce qui paraît logique, leur activité ne nécessite pas vraiment beaucoup d'investissements). Nous appliquons une marge de sécurité de 50 % et actualisons au taux de 4.5 %. Le résultat de ces activités s'est élevé à 2.21 euros par action en 2006. En appliquant la marge de sécurité et le taux d'actualisation décrits ci-dessus, nous pouvons donner une valeur pour les activités brassicoles africaines de 24.6 euros par action. Ces revenus provenant de différents états et donc étant diversifiés sur le plan géographique, on peut estimer qu'ils ne tomberont jamais à 0.

4. Autres actifs de la société

Des latences fiscales pour une valeur de 0.23 euros par action peuvent entrer en ligne de compte pour établir la valeur d'Unibra. Par contre, une créance d'environ 0.50 euros vis-à-vis du fisc belge ne sera pas prise en compte en raison du caractère aléatoire de celle-ci.

5. Valorisation globale d'Unibra

Voici donc un récapitulatif des actifs d'Unibra au 31/12/06 et la valorisation que nous leur avons donné :

- Immobilier bruxellois net de dette : 10.26 euros soit 7.8 % de la valeur totale
- Immobilier américain : 2.05 euros soit 1.6 % de la valeur totale
- Participation dans Média Participation Paris : 20.12 euros soit 15.4 % de la valeur totale
- Autres participations de private equity : 2.54 euros soit 1.9 % de la valeur totale
- Portefeuilles d'actions cotées : 49.72 euros soit 38 % de la valeur totale
- Obligations : 2.46 euros soit 1.9 % de la valeur totale
- Autres placements mobiliers : 18.93 euros soit 14.5 % de la valeur totale
- Revenus des activités brassicoles en Afrique : 24.60 euros soit 18.8 % de la valeur totale
- Pertes fiscales : 0.23 euros soit 0.2 % de la valeur totale

Soit une valeur « à casser » totale de 130.91 euros (la direction évaluait elle-même la valeur intrinsèque d'Unibra à 171 euros fin 2006 et la valeur comptable tangible du groupe s'élève à 144.53 euros). Au cours actuel de 104 euros, nous détectons donc un potentiel d'appréciation du cours de 25 %.
Il est à noter que chaque poste a été évalué avec énormément de prudence et pour des valeurs souvent inférieures à la valeur reprise dans les comptes.
Unibra permet, au cours actuel, de miser sur le potentiel du continent africain sans débourser un seul euro : la valeur des actifs non africains couvrant largement le coût d'achat de l'action.

Quatre risques à assumer pour un investissement en Unibra :

Les fluctuations des marchés boursiers qui peuvent faire perdre de la valeur intrinsèque au portefeuille d'actions

Les risques liés à des investissements en Afrique : risques géopolitiques, risques d'hyperinflation, risques monétaires

Les risques liés aux activités brassicoles en général : coût des matières premières agricoles

Les risques à la forte évaluation du marché immobilier (bien que j'ai évalué celui-ci avec une extrême prudence).

Aucun commentaire: